Addiction au sucre, compulsions alimentaires : mythe ou réalité ?

addiction au sucre et à la nourriture
compulsion alimentaire

L’excès de sucre est responsable de bien des problèmes de santé : diabète, fatigue, maladies inflammatoires, surpoids et ses conséquences sur les articulations et la mobilité… A un certain niveau de consommation, arrêter de consommer des produits sucrés est-il une simple question de volonté ? Peut-on parler de sevrage comme pour le tabac ou l’alcool ?


Compulsions, hyperphagie, boulimie ….


Je retiens les définitions du Pr Daniel Rigaud, président de l’association Autrement, médecin nutritionniste et spécialiste des troubles alimentaires.

La boulimie est l’ingestion d’une grande quantité d’aliment dans un temps court, sans faim ni plaisir et est fréquemment suivie de vomissements volontaires. Le besoin de régurgiter est alors irrépressible.

Les compulsions alimentaires procurent un certain plaisir et sont tolérées par la personne, même si elle se dit que ça va la faire grossir, qu’elle ne devrait pas, les compulsions ne sont pas suivies de vomissements volontaires. Le terme d’hyperphagie ou d’hyperphagie boulimique est aussi utilisé parfois avec un degré de prise alimentaire supérieur aux compulsions. Que l’on parle d’hyperphagie ou de compulsions on les distinguera de la boulimie, associée à des comportement compensatoires (vomissement, laxatifs, périodes de privation de nourriture…) et à la perte de contrôle. La perte de contrôle est extrême dans la boulimie, plus relative dans les compulsions alimentaires pour lesquels le plaisir ou réconfort immédiat est supérieur aux effets délétères à terme.

Comme le souligne le Pr Rigaud, dans les cas de boulimie la personne veut absolument maigrir, la « pensée anorexique » est bien plus forte que dans les compulsions alimentaires. D’ailleurs dans plus de 90% des cas la personne atteinte de crises de boulimie a un poids « normal ».

La compulsion alimentaire peut se faire avec des produits sucrés mais pas seulement. Pour certains c’est les aliments salés, gras, ou de bons petits plats qui sont consommés au-delà de la faim ou de la gourmandise. L’alimentation peut être perçue comme une addiction et/ou comme liée aux émotions, pour combler, réconforter, récompenser…

Quand on consomme un aliment par besoin plus que par plaisir, on peut sans doute parler de compulsion et d’addiction.

Neurobiologie de la compulsion alimentaire

Le besoin de réconfort apporté par l’aliment est parfois renforcé par un phénomène plus physiologique, bien identifié dans le cas des addictions aux substances (tabac, alcool…). Le circuit de la récompense, dont le neurotransmetteur est la dopamine (envie) est davantage secrétée dans le sang lorsque l’aliment est riche et bon. Le sentiment de récompense est alors d’autant plus ressenti. Les neurotransmetteurs vont prendre l’habitude de fonctionner avec le gras et le sucre pour secréter la dopamine. En cas d’épisodes de stress, le niveau de dopamine chute entraînant alors une demande de gras et de sucre. Dès lors, la propension à choisir et à consommer des aliments gras et sucrés est fortement influencée par l’effet récompense. L’influence du stress sur l’axe dopaminergique révèle bien son rôle dans la survenue d’épisodes de consommation compulsive.

Les endorphines sont aussi en jeu dans le plaisir ; ces neurotransmetteurs, analogues de la morphine, sont produites par le cerveau et se lient aux récepteurs opioïdes, induisant un sentiment de plaisir et aussi un effet antalgique. Les endorphines sont produites notamment quand on consomme une drogue, mais aussi lors de la consommation d’aliments gras et sucrés.

Lors d’une consommation régulière et excessive de nourriture grasse et sucrée (tout comme de drogues), la stimulation répétée des récepteurs opiacés entraîne une diminution des endorphines naturelles. Le sentiment de satisfaction n’est alors obtenu que par l’apport des aliments plaisirs avec à la clé un phénomène de tolérance entraînant un apport croissant de nourriture.

Ces éléments indiquent un fonctionnement addictif avec l’alimentation et la prise en charge de la dimension physiologique de l’addiction permet de soulager et d’aborder plus sereinement les aspects psychologiques (en naturopathie on utilise des compléments alimentaires et des plantes en complément de l’approche nutritionnelle). Toutefois se dire que c’est une addiction ne doit pas empêcher de croire en un changement possible. Comme le suggère Marc D. Lewis, chercheur à l’université de Toronto, la proposition d’un modèle pathologique de l’addiction risque d’enfermer les personnes dans une idée de fatalité chronique avec peu d’espoir de guérison. Pour Marc D. Lewis, l’addiction ne serait en réalité qu’un «comportement non pathologique d’apprentissage ».

L’individu a sa part de responsabilité dans la démarche qu’il entreprend, loin d’un cadre pathologique. SI il y a comportement d’apprentissage néfaste il est toujours possible d’apprendre à fonctionner autrement, surtout si le nouveau fonctionnement est plus respectueux du fonctionnement naturel.


Les régimes restrictifs perturbent le fonctionnement naturel du corps et sont contre productifs

Notons ici l’influence de la sérotonine, bien connue sur l’humeur mais également sur la régulation de la satiété. Or les glucides (céréales) sont impliqués dans la synthèse de la sérotonine. Un régime restrictif, souvent pauvre en glucides, pourrait alors induire une baisse de la sérotonine et une perturbation de la régulation de la satiété.

Une restriction énergétique, particulièrement si elle est pauvre en nutriments essentiels, inhibera aussi la leptine, l’hormone de satiété. Ce qui peut expliquer qu’après un régime il soit difficile de réguler son alimentation et donc un effet yoyo (sans compter la frustration engendrée par la privation).

Cet effet yoyo est quasi systématiquement décrit par les personnes qui viennent en consultation. Outre les aspects physiologiques décrits précédemment la frustration engendrée par la privation entraîne bien souvent une phase d’excès, une “compensation”.  De plus quand les aspects émotionnels n’ont pas été gérés, après la période de régime pendant laquelle les émotions sont contenues, l’alimentation émotionnelle reprend son fonctionnement habituel.


Se défaire de l’addiction au sucre et des compulsions alimentaires

1- D’un point de vue physiologique il faudra passer par la suppression progressive puis totale de tous les sucres raffinés, tout en ayant une alimentation équilibrée (balance céréales complètes/végétaux) qui apportent une part de céréales complètes et de sucre naturel régulièrement dans la journée pour éviter toute hypoglycémie qui entraînerait nécessairement un appel au sucre. Pain complet ou céréales complètes le matin, féculent complet en quantité raisonnable midi et soir et fruits frais au goûter seront les seuls apports de glucides et sucre naturel de la journée. En quelques semaines l’appel au sucre aura disparu.

Comme nous l’avons vu plus haut, un accompagnement micro-nutritionnel et avec des plantes est parfois utile. En effet, le sevrage peut entraîner, en fonction du degré de consommation, de l’anxiété, de l’irritabilité voire de la déprime, autant de symptômes de manque plus ou moins intenses, qui vont disparaître au bout de quelques semaines.

2- Il faudra aussi “rééduquer” notre fonctionnement avec l’alimentation, se reconnecter avec le plaisir de l’aliment dès la première bouchée, le plaisir est en lien avec la satiété, qui se fera sentir plus facilement. Un rééquilibrage alimentaire qui correspond aux besoins du corps est indispensable pour pérenniser la démarche.

3- Et bien entendu dès lors que l’alimentation a une fonction utile sur les émotions, apprendre à fonctionner autrement, à gérer les émotions autrement, c’est une nouvelle façon de fonctionner qui va devoir être installée.

Des approches complémentaires telles que l’acupuncture ou bien la cohérence cardiaque peuvent soutenir favorablement le sevrage et aussi être une aide changer durablement.